Entre les années vingt et quarante, la ville de Tanger avait acquis la réputation de lieu de résidence ou de rencontre de tous les honorables correspondants du monde qui venaient y collecter les informations ou dispenser leur intox. Il faut croire que désormais c’est Alger qui a pris le relais.
L’ambassadeur de France, Bernard Emié vient d’être rappelé dans son pays pour être nommé à la tête de la DGSE ( direction générale de la sécurité extérieure), le plus important service de renseignement français par son budget et ses effectifs. Il remplace un autre de ses prédécesseurs à Alger, Bernard Bajolet nommé par l’ancien président Nicolas Sarkozy. Dans le monde spécial du renseignement, l’expérience algéroise est un précieux capital.
Peu suspecte de « passé colonialiste », la CIA « joue à domicile » à Alger où ses membres testent leur aisance par des comportements qui ont déjà tourné au scandale. On se souvient de ce viol commis par un agent américain sur des jeunes femmes autochtones lors d’une soirée fine célébrée dans une villa de Hydra.
L’attaché militaire du Maroc à Alger a été envoyé à l’ambassade de son pays à Bamako pour suivre la situation du djihadisme au Sahel après son stage algérois. Il faut savoir que le Maroc est très présent politiquement et économiquement en Afrique subsaharienne et en Afrique de l’ouest.
Les sociétés pétrolières comme l’italienne ENI, la britannique British Petroleum, l’espagnole Repsol et, bien sûr, la française Total bénéficient d’un maillage territorial dont les recherches sont alimentées par les contacts entretenus dans les grands hôtels algérois ou les villas cossues des beaux quartiers de la capitale. C’est, par exemple, par l’intermédiaire des agents glissés dans ces entreprises qu’a été débriefé l’attaque de Tiguentourine.
Les services de renseignements italiens qui ruminent toujours leur amertume après leur doublage en Libye, leur ancienne colonie, par les Français et les Britanniques lors de l’éviction de Kadhafi se rattrapent à Alger, devenue une espèce de plate forme de distribution de visas Schengen et de régulation des flux migratoires où se recrutent les informateurs les plus sûrs pour analyser les filières et « mieux connaître » les pays d’origine de chacun…
Pour ne pas être en reste, les Espagnols utilisent leur base avancée de Palma de Majorque où est repliée une bonne partie des membres de la nomenklatura aigris et fortunés pour préparer l’animation de leurs niches algéroises.
Dans ce gruyère, les services algériens, épuisés et surtout désenchantés par le bradage d’une décennie de lutte contre le terrorisme se voient encore absorbés par la surveillance de clans adverses qui s’épient jour et nuit ou le suivi et la répression des différents mouvements sociaux.
A chacun ses priorités.
Rabah Lounis