L’avant projet portant code du travail rendu public par le ministère du travail et de la sécurité sociale (octobre 2015) avait suscité plusieurs réactions critiques de la part des syndicats. Cela va des restrictions opérées au détriment du collectif des travailleurs dans les organes de participation, la réintroduction de l’article 87 bis sous un autre artifice (article 130 qui stipule que le salaire national minimum garanti comprend le salaire de base, ainsi que les primes liées à la productivité, au rendement et aux résultats du travail), la limitation du droit de grève par des procédures bureaucratiques comme la remise des listes des grévistes et la fixation à l’avance de la durée de la grève, l’élargissement de la notion de service minimum, les réquisitions et les sanctions prévues, sans parler du CDD (contrat à durée déterminé) qui tend à devenir la norme car l’employeur décide seul sans se référer à l’inspection du travail.
Enjeux
Dans les faits ce code ne vient pas pour combler un simple vide juridique même si jusque-là, le SGT (Statut Général du Travailleur) promulgué en 1978, tombé en désuétude et que plusieurs lois sociales aient été promulguées dans les années 90 (90-91et 92) pour régir les relations de travail et l’exercice du droit syndical, sous le gouvernement Hamrouche.
Aux yeux de ces initiateurs, il faudra adapter la législation à ce qui se fait dans des pays similaires. En Afrique, la révision de ces codes s’est faite sous le parrainage du Bureau international du travail BIT, la Banque Mondiale et même la coopération française pour l’Afrique francophone. Il s’agit d’assouplir les contraintes pour les entreprises en particuliers étrangères et se mettre aussi au diapason de l’adhésion à l’organisation mondiale du commerce (OMC).
Il n’échappe à personne que chez nous le monde du travail est sous représenté à cause d’une part de cette domestication de l’UGTA et, d’autre part, de la répression contre les syndicats autonomes et la société en générale. C’est-à-dire que ce projet tente de codifier un rapport de force obtenu par la répression (en sus de l’achat temporaire de la paix sociale) et qui est dans la phase actuelle largement défavorable au monde du travail.
Circonstance aggravante, les modifications introduites sont le prolongement des lois sociales édictées dans une situation « d’exception » par le gouvernement Hamrouche et plus tard par le CNT (Conseil national de transition) pour faire face à la montée du SIT (Syndicat islamique du travail sous l’égide de l’ex FIS) dans une période marquée à la fois par le terrorisme et l’ajustement structurel conduit par le FMI (Fonds monétaire international).
Compétitivité et lois sociales
Les syndicats ont raison de faire remarquer que la fluidification du marché du travail ne peut se faire par la remise en cause du droit syndical, de la protection sociale et du droit à un salaire décent. Il est démontré que l’impact sur l’efficience économique peut être positif grâce à des lois sociales équilibrées. Mais elles ne jouent qu’un rôle secondaire pour ne pas dire à la marge dans l’amélioration de la croissance économique ou la gestion des entreprises.
En effet, aujourd’hui la bataille pour attirer les investissements et l’implantation de grands groupes internationaux n’est pas dans l’abaissement du coût du travail (relocalisation) et d’une plus grande flexibilité mais dans un système d’éducation et de formation qui répondent aux besoins des industries de plus en plus en plus exigeantes. L’exemple de l’Inde dans le numérique est plus qu’édifiant.
Sur un autre plan, dans ce domaine de la compétitivité, notre pays à de meilleurs atouts à faire valoir. Le problème est de définir un cap et le maintenir, d’assouplir les procédures d’acquisition du foncier, de l’amélioration du climat des affaires (157ème sur 176 pays !) et de convaincre de la stabilité de la gouvernance ; toutes choses qui font largement défaut. Car pour le reste, le coût de l’énergie, la proximité du marché européen, l’ouverture sur l’Afrique et le moyen orient, le coût de la main d’œuvre lui-même sont des atouts réels à faire valoir.
Si le gouvernement ne revoit pas sa copie, à force de vouloir ligoter le monde du travail par l’intégration et la répression et, maintenant par des lois sociales rétrogrades on risque d’arriver à l’inopérance de ces lois devant les réalités sociales. C’est-à-dire des blocages et le recours à des actions autrement plus préjudiciables pour ne pas dire violentes pour renverser ce rapport de force artificiel.
Rabah said