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GOLFE : Le Dessous Des Cartes

Officiellement, Riyad et les États qui le suivent reprochent à Doha, de sources officielles « de sérieux abus tout au long des dernières années (…) pour inciter à la désobéissance et nuire à sa souveraineté ; le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région, comme la confrérie des Frères musulmans, Daesh et Al-Qaïda ». La coalition militaire arabe au Yémen, dirigée depuis Riyad, a par ailleurs exclu le Qatar, également pour son « soutien au terrorisme ».

Le Qatar a fait savoir qu’il estimait que les mesures prises contre lui étaient basées sur des allégations non fondées.

Pourquoi la tension, qui existait entre ces pétromonarchies depuis longtemps, éclate-t-elle maintenant et qu’en est-il des accusations formulées envers Doha ?

La première question est apparemment liée à un prétendu discours tenu il y a une semaine par l’émir qatari cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani durant une cérémonie au sein des forces armées nationales. L’agence de presse officielle de l’Emirat (QNA) avait en effet relayé ce discours au contenu tout à fait explosif, qui critiquait Donal Trump, défendait l’Iran, soutenait le rôle du Hezbollah et du Hamas. Toutefois, Doha avait réagi peu après la dépêche de sa propre agence, indiquant que le site de celle-ci avait été piraté et que l’émir n’avait pas tenu de tels propos. Les médias du Golfe, aux ordres, n’avaient pas tenu compte de la mise au point et avaient entamé une dure campagne contre le Qatar. Or, on sait maintenant avec quasi-certitude que Tamim al-Thani n’a jamais prononcé ce discours, plusieurs témoins présents à la cérémonie à laquelle il participait en ont attesté.

Des allégations sans preuves

Quel crédit donner aux accusations contre le Qatar ? Le fait même qu’il lui soit reproché de soutenir les deux principaux mouvements djihadistes terroristes, Al-Qaïda et Daesh, ressemble à une allégation des plus fantaisistes surtout quand elle est dénuée de la moindre preuve. S’agissant des Frères musulmans, le tableau est bien différent puisque Doha n’a jamais caché sa proximité avec la confrérie honnie dans le reste du Golfe. A Doha, par exemple, est accueillie la direction en exil du Hamas palestinien, qui provient de la matrice des Frères musulmans égyptiens.

Plusieurs pays du Golfe et l’Égypte, sont par ailleurs d’un coté  indisposés depuis de longues années par les prêches de Youssef al-Qaradawi, d’un autre coté par la chaîne qatarie Al-Jazeera, dans lequel il ne ménage pas les présidents et monarques du monde arabe. Al-Jazeera, qui ouvre ses ondes aux divers opposants de tous ces pays, et en affichant une ligne éditoriale clairement favorable aux Frères musulmans.

Les relations avec l’Iran

Dernier élément dans le contentieux entre Doha et ses voisins arabes : le soutien qatari allégué à la république islamique d’Iran. Les Saoudiens, qui entendent diriger le monde arabe sinon même le monde musulman, vomissent les mollahs et les craignent tout à la fois, voyant leur main partout, parfois avec raison, comme en Syrie, ou par pure paranoïa, comme au Yémen. A Riyad, la hantise anti-iranienne a pris, ces dernières années, des proportions qui dépassent la raison.

Le Qatar est pourtant loin d’avoir choisi l’Iran contre ses propres voisins. L’émirat entretient au contraire des relations instables avec Téhéran : correctes quand il s’agit d’exploiter dans le golfe Arabo-Persique l’immense réserve de gaz commune aux deux pays ; plus tendues dès lors qu’est concerné l’avenir de la Syrie, où les Iraniens ont mis tous leurs moyens au service du régime de Bachar el-Assad pendant que Doha s’est investi dans le soutien à l’opposition armée audit régime.

Le Conseil de coopération du Golfe, qui réunit dans une alliance politique toutes les monarchies, paraît avoir atteint ses limites : si l’Arabie saoudite, les Émirats et le Bahrein ont décidé de sévir contre le Qatar, le sultanat d’Oman et le Koweït, qui se veulent plus nuancés, se sont bien gardés d’en faire autant.

Les alliés des Etats-Unis se déchirent

Dans ce tableau, les États-Unis font grise mine. Ce sont leurs propres alliés qui se déchirent. Mais nombre d’observateurs pensent que le voyage de Donald Trump à Riyad en mai a donné confiance aux Saoudiens qui ont conclu qu’ils avaient carte blanche.

Trump en Arabie saoudite : business is business.

A Doha, on peut aussi arguer que, justement, l’alliance avec Washington compte plus que les relations en dents de scie avec Téhéran, et pour preuve, les États-Unis ont installé au Qatar il y a quinze ans leur « CentCom » régional, le commandement militaire qui supervise les opérations américaines dans un espace compris entre l’Egypte et le Pakistan…

Enfin, des commentateurs qataris ont noté qu’aux États-Unis, justement, un « groupe » dont les fondateurs et animateurs sont proches du gouvernement israélien, la Foundation for Defence of Democracies, a eu des contacts tout récents (des emails ont été mis au jour par la presse US) avec l’ambassadeur des Émirats arabes unis à propos de l’aide qatarie au Hamas… De quoi nourrir la théorie du complot dont le monde arabe est très friand.

Tarik Melloul

 

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