ISLAMISME ET QATAR : fin de récréation?
Une chose est sure : la lutte contre l’islamisme a basculé dans une autre dimension.
La brutale rupture des relations diplomatiques survenue entre le Qatar et plusieurs pays du Proche et Moyen Orient et les derniers attentats de Londres semblent sans liens apparents. Ils se présentent pourtant comme les premiers actes, désormais visibles, d’une politique internationale inédite et radicale dans la lutte contre l’islamisme.
Les pays occidentaux qui ont adopté des stratégies variables vis à vis de l’intégrisme islamique en arrivent désormais à un positionnement inédit qui oppose concomitamment la force militaire, la rupture politique et la fin de la complaisance intellectuelle à la « maladie du siècle ».
Tout au long de la deuxième moitié du vingtième siècle, les USA avaient joué de l’islamisme pour contrer « le péril communiste ». Conséquences directes de cette conception géopolitique : le soutien obstiné aux dictatures arabes, l’essentiel étant que « soit garantie la stabilité ». De leur côté, les nations européennes convaincues d’une meilleure connaissance du monde musulman que leur confère leur passé colonial ont traduit l’approche américaine par une vision orientaliste qui renforçait dans les faits le déni démocratique opposé au sud.
Le Grande Bretagne avait conceptualisé le communautarisme qui accouché du Londonistan où a prospéré le fondamentalisme. La gauche française, plus subtile ou plus cynique, c’est selon, avait soutenu que l’islamisme était l’expression d’un combat qui parachevait les mouvements d’indépendance, ce qui a conduit au « qui-tu-qui ? » pendant la décennie rouge algérienne.
Pendant très longtemps François Hollande comme Barak Obama s’étaient interdits d’associer le vocable islamique aux attaques menées contre leur pays.
A partir des attentats de New York en 2001, l’islamisme était déjà perçu comme une menace pour le monde civilisé.
Plus obsédé par des intérêts économiques que des considérations humanistes, Bush fils envahit l’Irak pour « démocratiser la région » sans oser relier le terrorisme islamiste à son origine religieuse.
Des prêcheurs comme Tariq Ramadan feront leurs choux gras de ces hésitations idéologiques et démissions philosophiques.
Cette faille conjuguée à une réaction adroite des théocraties musulmanes qui font cause commune avec des régimes « républicains » pour « défendre leur religion » prolonge pour quelques années encore un marasme informationnel mis à profit par les stratèges de l’islamisme. De grands groupes de communicants financés par des pétromonarchies, à leur tête le Qatar, disqualifient l’idée démocratique et le concept d’islamophobie, issu des laboratoires iraniens, « terrorise » les observateurs.
Il a fallu la vague des attentats commis en Europe ces deux dernières années pour qu’un mouvement d’opinion associant des universitaires, des journalistes puis des politiques admettent qu’il y a un problème dans la religion musulmane et assument d’engager la réflexion sur ce sujet.
L’élection de Donald Trump, donnée comme un avatar démocratique, va paradoxalement précipiter le débat sur un dossier par essence complexe et brûlant.
L’islamisme est désormais décrit comme l’expression radicale d’une religion qui n’a pas su évoluer avec les progrès de l’humanité. L’analyse bouleverse les approches et les solutions.
Les pays musulmans sont alors sommés d’assumer leur part de responsabilité dans ce qui devient une menace planétaire. Première manifestation de cette évolution : le discours de Trump à Riyad qui met au pied du mur les uns et les autres. Facture de l’avertissement : quatre cent milliards de dollars. L’annonce vise un objectif subsidiaire : isoler l’Iran où le chiisme a engendré la mère des révolutions islamiques.
Réplique immédiate de la fin de récréation sifflée par le président américain: la très conservatrice Theresa May annonce l’obsolescence du communautarisme en Grande Bretagne, alpha et oméga de la politique d’intégration du Royaume Uni.
La soudaine rupture des relations diplomatique de l’Arabie Saoudite, de l’Egypte et d’ autres pays du Golfe, tous obligés de Washington, avec le Qatar, chef de file des ambiguïtés doctrinales, est la première décision concrète qui signe la fin d’un double jeu qui s’est longtemps paré des paillettes d’un occident formellement envié tout en finançant les organisations qui menace ses fondements spirituels et culturels.
Les conspirationistes ne manqueront pas d’expliquer que l’élection de Trump a été décidée par les officines américaines afin de permettre l’adaptation d’une offensive cohérente à une idéologie dont beaucoup avouait la malfaisance en privé sans accepter de la relier à ses sources originelles.
Une chose est sure : la lutte contre l’islamisme a basculé dans une autre dimension.
Achour Sadji