Un communiqué triomphal d’un conseil d’administration d’Algérie Poste du 4 juillet, veille de la date d’indépendance, présidé par la ministre Houda Feraoun annonce la décision de ne plus accepter de documents en dehors de ceux rédigés en arabe, langue officielle ( lugha rasmiyya ). On notera l’usage du singulier qui exclut la langue amazigh, officialisée pour la galerie depuis 2016. On nous apprend que tous les documents rédigés en français vont être retirés des circuits de cette administration.
La poste peine à distribuer son courrier ou à assurer des services élémentaires comme les salaires des fonctionnaires. Cette institution est la première interface des Etats avec l’extérieur. La décision de l’arabiser intégralement ne manquera pas d’isoler un peu plus un pays déjà lourdement sanctionné par un weekend décalé qui limite ses communications avec l’étranger à trois jours par semaine.
Comme toutes les décisions démagogiques, celle-là a rencontré les salutations enthousiastes des hurluberlus populistes à l’instar du ténébreux polémiste Athmane Saadi qui déclare encore une fois que « savoir qui se met en travers de l’arabisation n’a pas besoin d’intelligence ; c’est clair que c’est le lobby francophone qui s’est accaparé de l’Etat et qui bloque son application dans l’administration ». Il déplore au passage « que Boudiaf ne croyait pas en la langue arabe » et que la loi portant arabisation ait été gelée en décembre 1996 du temps de Zeroual, ajoutant que « Bouteflika arrivé au pouvoir en 1999 a maintenu ce gel. »
L’imposteur autodidacte oublie de rappeler que c’est la progéniture des dirigeants qui est envoyée dans les grandes institutions occidentales, à commencer par la ministre en poste sortie de l’Université de Belfort-Montbéliard, alors que les enfants du peuple sont sacrifiés par un monolinguisme stérilisant.
Pourquoi donc Houda Feraoun, ministre formée dans une université française, endosse-t-elle une initiative dont elle sait qu’elle va perturber encore plus une administration déjà bancale?
C’est un classique dans les pouvoirs illégitimes. Quand il n’est plus possible de masquer les échecs de leur gestion, les autocrates s’enfoncent dans la démagogie.
Rabah Lounis.