Faut-il en rire ou en pleurer ? Les spéculations vont bon train. Et pas seulement chez les fonctionnaires du RND qui constituent cet ectoplasme politique sorti directement de l’officine qui l’a fabriqué de toutes pièces pour parasiter l’activité des partis modernistes et qui, à la longue, a fini par se prendre au sérieux au point d’oser se poser en exemple de la grande militance de conviction.
L’usure de la scène médiatique a fait que chacun y va de sa petite hypothèse pour reposer la question redondante de savoir si le « nouveau » premier ministre peut être l’homme de la situation.
Or la situation au quadruple plans politique, économique, social et financier exige autonomie de pensée, audace dans l’initiative et imagination pour la mise en oeuvre. Sachant que l’état de décomposition avancée du pays est le résultat d’un dogmatisme bureaucratique qui est, en bonne partie, l’oeuvre de celui dont on annonce une quatrième et salvatrice naissance, on peut douter de l’avènement d’un renouveau radical de la part d’un personnage qui assume d’être le label du système.
Tebboune qui a affirmé vouloir séparer l’argent ( sale) de la vie économique avait été salué par les « observateurs » comme une précieuse graine ayant survécu aux râteaux prédateurs des clans qui ont épuisé le terreau du système. Il est aujourd’hui décrié par les mêmes laudateurs comme un conservateur qui allait « attaquer les chefs d’entreprises ». Défense de rire.
Ouyahia est connu par une constance : aller toujours plus loin que ce que veulent ses tuteurs. Il faut rappeler qu’il n’a jamais démissionné d’un poste et qu’à trois reprises, il n’est sorti du palais du gouvernement qu’après en avoir été congédié. On ne s’expose pas à un grand risque de désaveu en supposant qu’il en sera de même pour ce quatrième tour de piste.
Or que veut Bouteflika ? N’en déplaise aux proclamations allusives des rédacteurs de ses messages ; son but est d’éviter toute vague ou ce qui apparaîtrait comme une hésitation quant à la nécessité de maintenir le statu quo jusqu’à 2019, si tant est que cela soit possible. Et Ouyahia qui a commencé par sommer les banques d’arrêter de recouvrer leurs créances concernant les jeunes emprunteurs a donné le tempo de sa mission. Aller au devant des désirs des mentors fut et reste la religion d’un fonctionnaire qui s’est retrouvé projeté au devant de la scène politique uniquement par ce qu’il n’a jamais dit non. Il ne sera rien d’autre qu’un comptable zélé d’une faillite dont il est l’un des coauteurs les plus actifs.
Quand on n’a pas fait de réformes de structure avec un baril à 150 dollars, on ne va pas se hasarder à chambouler une tradition économique rentière en 2017. Autant donner un coup de pied dans le guêpier clanique avec des seigneurs de la guerre qui ont tous le couteau entre les dents ; ce qui n’est pas la spécialité préférée de celui qui a choisi d’anticiper les désirs et même les envies des chefs.
Pour mener le travail titanesque qu’appelle le désastre algérien, il eut fallu un homme de conviction et, plus généralement, un pouvoir dont la légitimité ne souffre d’aucune contestation. Il se trouve que le régime en place qui n’a jamais demandé les faveurs d’un suffrage libre est maintenant frappé de sénilité.
Ce n’est pas Ali Haddad, bénéficiaire en chef des marchés publics ou le fossile, et néanmoins milliardaire, syndical Madjid Sidi Said qui vont suggérer une politique innovante, eux qui se sont précipités de réaffirmer leur soutien au dernier « discours » du chef de l’Etat.
Rabah Lounis.