L’exceptionnelle affluence de la marche qui s’est ébranlée du complexe CEVITAL vers la wilaya en passant par le port où a été copieusement conspué le directeur du port et sa composition sociologique sont un sérieux avertissement pour le pouvoir.
De fait, la banderole qui ouvrait la marche disait tout sur les causes, les conséquences et les évolutions possibles du mouvement. « Pourquoi ce qui est valable, autorisé, encouragé et financé à l’intérieur du port à Djendjen ( Bejaia) est-il interdit à l’extérieur du port à Bejaia ? ». D’autres banderoles stigmatisent les abus dont est victime la wilaya à travers l’ostracisme qui frappe CEVITAL.
Au terme de l’imposante procession, le porte-parole du comité Mourad Bouzidi et l’universitaire Rachid Saou donnent le ton d’entrée. Le premier annonce que désormais cet étouffement économique doit trouver sa solution dans la rue où « nous avons à construire un rapport de force national autour du soutien aux travailleurs de CEVITAL et au déblocage des investissements du plus grand investisseur du continent ». Le second a lu des extraits d’une lettre ouverte adressée au premier ministre où celui-ci est invité à « agir vite et de manière ferme pour mettre un terme aux abus outrageants dont se rend coupable le DG du port …. »
Mais les services de renseignement du pouvoir n’auront pas manqué de relever les évolutions quantitatives et qualitatives enregistrées par la comité de soutien de CEVITAL en comparaison des deux marches précédentes organisées durant l’été.
D’abord d’autres comités de soutien qui se sont constitués dans plusieurs wilyates ont envoyé leurs représentants. Ensuite, la société civile s’est impliquée de façon plus conséquente à travers les syndicats autonomes, le tissu associatif et même, avons nous pu constater sur place, des associations de parents d’élèves. Pour ce qui est des partis, et à l’exception de l’absence notable du FFS, désormais rangés derrière les partis du pouvoir, les autres courants politiques implantés dans la région ont tenu à manifester leur présence à l’instar du RCD qui a vu trois de ses parlementaires prendre la parole.
Autre signe qui témoigne de l’élargissement du mouvement et de son amplification, la présence de Djamal Zenati. Le militant du MCB, ancien député du FFS et ex-cadre de ce parti a résumé la situation en déclarant que « ces blocages sont une déclaration de guerre. Si le pouvoir se permet de faire ce qu’il fait c’est que nous sommes désunis….Cette affaire CEVITAL doit être l’occasion de nous unir…. Ils bloquent CEVITAL, nous pouvons bloquer leur port et leur administration. Nous ne recherchons pas l’affrontement mais il faut s’y préparer. Empêcher un investisseur comme M. Rebrab d’entreprendre alors qu’il engage son argent, c’est du jamais vu…»
Au premier rang de la foule une voix lui fait écho : « et ce sont ces individus qui nous donnent des leçons d’unité nationale ».
Autre évolution significative, si le directeur du port, main exécutante des basses œuvres, n’a pas été épargné, le président de la république et, surtout le premier ministre, ont été directement interpellés quant à « la politique des deux poids deux mesures » qui se commet contre la Kabylie et sous leur responsabilité.
Pour l’instant, ces deux responsables se réfugient dans le silence. La tactique sera-t-elle longtemps tenable ?
Une chose est sure, ce 29 octobre l’affaire CEVITAL vient de connaître un nouveau virage.
Akli Rahmoune.