Le quotidien gouvernemental El Moudjahid est sans doute l’un des organes du paysage médiatique planétaire qui a le moins changé après la chute du mur de Berlin. Les bouleversements démocratiques dans les ex pays soviétiques, la reprise en main de leur destinée par les peuples des pays d’Amérique latine, les avancées démocratiques en Afrique et la fin, oh combien salvatrice, de l’utopie stérilisante de la notion d’un monde arabe mystique ont donné lieu à la naissance ou à la reconversion des médias publics d’information, plutôt portés vers la promotion des politiques publiques que sur l’invective des opposants du moment .
Mais, notre El Moudjahid national ne peut vivre « sans ennemis ». Les classiques ennemis extérieurs sont devenus les seuls potentiels soutiens à un régime algérien qui a tourné le dos aux intérêts nationaux. Il ne reste plus qu’à tirer sur les forces intérieures visibles qui s’opposent aux désidératas d’une nomenklatura honnie et qui ne fait plus peur à personne.
Ainsi, à défaut de faire la promotion des orientations, à contre sens de tout esprit de réformes économiques du gouvernement Ouyahia, par des projections sur l’emploi, le pouvoir d’achat, la croissance économique ou la résorption des déficits abyssaux des déficits publics, le quotidien gouvernemental remet les mêmes éditoriaux , vieux de vingt , trente, voire 50 ans pour faire diversion.
L’éditorialiste de ce 11 octobre ne prend même pas le soin de respecter ses quelques lecteurs en identifiant clairement les enjeux et en désignant les opposants à la politique gouvernementale.
« Des partis politiques et certains médias ne cessent de colporter à tout crin, des discours, des analyses et points de vue, qui confinent trop souvent à l’alarmisme. Ils s’acharnent à vouloir sciemment semer le doute, la suspicion dans les esprits des citoyens ». On a compris que la mission d’Ouyahia est décriée partout et par tous. Mais la conclusion n’est pas de s’interroger sur le bien fondé de cette politique et d’expliquer qu’elle peut être porteuse d’avancées sociales. Non, la sentence est « En agissant de la sorte, ils ne cachent plus leur tentation de porter préjudice à l’action du gouvernement, à ses solutions de sortie de crise, la discréditer, notamment auprès des travailleurs soucieux de la préservation de leur gagne-pain.
Point de salut en dehors du rouleau compresseur « du financement non conventionnel et la loi sur la monnaie et le crédit, l’exploitation du gaz de schiste » Avant d’accuser les partis politiques et les médias d’une « flagrante désinformation », El Moudjahid n’invite point au débat mais à la sentence, comme à son habitude » L’heure est à l’union et au rassemblement autour du règlement des problèmes et des défis, certes, ardus, qui se posent à la nation. » Comble de l’ironie et suprême paradoxe, ceux qui fustigent, semble-t-il, la «pensée unique», n’hésitent plus à la cultiver, en prédisant, tel l’oracle de Delphes, de terrifiants lendemains. Le pays est dans l’œil du cyclone, les catastrophes s’accumulent… et nous ne savons pas quoi encore. »
On le sait El Moudjahid n’est pas seulement capable d’ironie. Les aigris et les usurpateurs ne portent qu’outrances et reniements ; loin des doutes et des tourments des militants.
Rabah Said