Pendant toute la durée de cette campagne Ameslay a passé en revue les différentes formations engagées dans les élections locales du 23 novembre. Nous avons choisi de traiter en dernier le cas singulier du RCD.
Résumé :
En Kabylie, le RCD se trouve face à une triple alliance FFS-FLN-RND qui l’empêche de gérer plusieurs dizaines de municipalités où il est arrivé en tête. Il en est de même pour l’APW de Tizi Ouzou où ce trio coalisé l’a privé d’une présidence à laquelle il aurait pu prétendre puisque, là aussi, le RCD est largement arrivé en première position. Cette formation ne préside donc que les institutions où elle a eu la majorité absolue. Cependant, la nouvelle loi qui donne une prime au meilleur score peut considérablement avantager le RCD. Pour peu que l’abstention, pain béni des partis du pouvoir et de ses satellites, ne soit pas trop lourde.
En effet le FFS, dernier parti à avoir entretenu un semblant de contestation, assume désormais officiellement ses alliances avec les partis du pouvoir. Comme pour couper court à tout malentendu quant à son nouveau rôle, il tient à souligner son intégration avec son silence assourdissant dans le dossier CEVITAL vécu par la population comme une déclaration de guerre contre la Kabylie. Les autres sigles sont, on l’a vu dans les précédentes radioscopies électorales, des niches occupées par des rebuts du système ou des exclus de l’opposition qui n’ont pas trouvé à s’enrôler dans le FLN ou le RND.
Dans le camp islamiste, le Hamas qui avait pu affirmer des positions autonomes assez tranchées quand il était dirigé par Abderrezak Mokri est rentré dans les rangs. Les pressions continues exercées sur ses instances internes et l’ADN du parti, inscrit dès ses origines, dans le bazar politique ont eu raison de ses velléités d’apprenti opposant.
Aujourd’hui, le RCD est bien le seul parti algérien à assumer une identité politique née dans une conception idéologique résolument différenciée du système qui prévaut depuis 1962 avec ce que cela exige de positionnements tactiques et choix stratégiques.
Il ne suffit pas de chasser Bouteflika mais il faut changer les règles qui faussent le débat public et prive le citoyen d’exercer un arbitrage démocratique sur la cité, dit le RCD. « Nous sommes contre la candidature de Bouteflika mais également contre celles de tous les éléments du système », assène Mohcine Belabbas, pendant que les autres acteurs, par tentation ou suite à leur instrumentalisation, s’en tiennent à une demande d’alternance clanique sans jamais remettre en cause les mécanismes qui ont dépossédé le peuple algérien de la maitrise de sa destinée.
Cette fidélité à un engagement démocratique extérieur aux moeurs ambiantes et frontalement opposé à l’ordre politique qui a confisqué l’indépendance est, à la fois, la force et la faiblesse du RCD.
Seul sur le front de l’opposition, il peut, en tant qu’ultime espace de résistance, drainer l’ensemble des catégories sociales et politiques qui savent que le replâtrage du système est une dangereuse illusion, aujourd’hui que l’épuisement des ressources financières du pays ne permettent plus l’entretien de clientèles parasitaires.
Si l’on ne devait apprécier que la mobilisation populaire, les apparences donnent toujours à croire que la mémoire des combats libérateurs mené avec constance par le RCD est intacte.
Les meetings organisés par ce parti ont été, de loin, ceux qui ont drainé le plus de monde en Kabylie. Dans une région où les risques de fraude impactent moins qu’ailleurs les résultats, le ralliement officiel du FFS au régime peut ouvrir au parti laïc une voie royale aux conquêtes démocratiques institutionnelles avec des populations traditionnellement rétives aux abus du pouvoir central.
Autre avantage reconnu au RCD, la qualité de la gestion de ses élus, largement plus efficace et crédible, que celles de ses concurrents. D’autant que les faiblesses, quand elles sont identifiées et prouvées, sont publiquement réparées ou sanctionnées ; à l’inverse d ‘un FFS qui est resté muet devant les condamnations pour corruption des trois maires qu’il a comptés à Tizi Ouzou ville.
Cependant, cette position d’unique opposant est aussi un tendon d’Achille car le parti de Mohcine Belabbas est maintenant l’unique cible de la police politique. Par ailleurs, les segments sociaux du bloc démocratique, épuisés par la double combat engagé contre le pouvoir et l’islamisme, sont, pour les plus âgés, exilés ou résignés avec une tendance à l’abstention adroitement encouragée par le régime qui distille en permanence son slogan fétiche : « de toute façon tous les partis sont les mêmes ».
Demeure une grande inconnue : la réaction de la jeunesse sur laquelle a beaucoup investi ces dernières années le RCD. Anesthésiée par une arabisation qui prive sa grande majorité de l’accès aux sources de l’information critique, elle peut être victime de la désinformation ou captive de la délinquance, vivier des officines du système, et/ou de l’islamisme.
Lors des émissions consacrées à la campagne électorale, on a observé de très jeunes militants du RCD s’exprimer avec une intelligence et une audace politiques rarement vues dans cette génération. Il semble que cette culture politique soit la conséquence de la formation interne dispensée par les instances du parti. Il est néanmoins difficile d’appréhender l’influence de cette pédagogie pour en apprécier l’étendue sur l’électorat juvénile.
Plus qu’un paramètre illustrant le niveau de l’intégrité morale ou de contamination vénale de la population, l’abstention, manifestation d’un découragement général dans le pays, est, en Kabylie, l’appoint décisif qui risque de donner un plus grand poids électoral aux relais du pouvoir dans la région. Or, dans la conjoncture actuelle, ces élections locales sont capitales.
Dans cette période particulière de l’Histoire régionale, une APC gérée par des élus soumis au contrôle d’une tutelle rigoureuse représente le meilleur bouclier contre la pollution ou la déstabilisation de nos villages et quartiers. Préserver la proximité sociale et culturelle kabyle en attendant des évolutions nationales inéluctables est aujourd’hui de le plus haute importance. Pour la région et le pays.
Le succès d’estime constaté dans les meetings se traduira-t-il par une égale expression dans les urnes ? Rendez-vous le 23 novembre.
Akli Rahmoune.