Les nombreux mouvements de protestation qui ont fait irruption sur la scène publique et médiatique ces derniers mois ont un dénominateur commun, irréductible, pour reprendre la formule chère aux étudiants en mathématiques.
Que cela soit les débrayages d’Air Algérie, les tentatives de marche des retraités de l’ANP, des enseignants protestataires via le Cnapeste ou des médecins résidents, pour ne citer que les plus en vue, les revendications qu’ils mettent en avant ont été portées depuis longtemps à la connaissance des pouvoirs publics. A titre d’exemple, les syndicalistes du Cnapeste ne demandent rien de plus que l’exécution d’un accord signé avec la tutelle en 2015, c’est le cas pour les personnels d’Air Algérie, des conditions de travail inadmissibles pour les médecins résidents ou des protestations récurrentes des anciens militaires.
Au vue des réponses ou prises de position des ministères concernés, on est frappé par la désinvolture des responsables qui font mine de « découvrir » des situations que le citoyen lambda connait déjà. C’est un peu comme s’il n’y pas de continuité dans le fonctionnement des institutions voire de l’Etat dans certains conflits qui relèvent de secteurs stratégiques pour un pouvoir qui lie sa pérennité à la paix sociale.
Ainsi, à propos des revendications salariales, le ministre des travaux publics et des transports, Abdelghani Zaalanen, a déclaré hier, 29 janvier devant le Sénat, qu’ils existent « d’autres priorités pour la compagnie aérienne nationale ». L’ancien Wali d’Oran promu à ce poste juste après les résultats des législatives du 04 mai 2017 enfonce le clou en ajoutant que « le staff dirigeant d’Air Algérie est en phase d’élaborer un plan de développement de l’entreprise ». Ce n’est plus de la langue de bois mais un « circulez, il n’y a rien à voir ».
Le Ministère de la défense nationale fait de même pour fermer les portes, avec néanmoins plus de professionnalisme dans la langue de bois : «Le haut commandement de l’Armée nationale populaire a donné, depuis 2013, des instructions à ses services spécialisés à travers les différentes Régions militaires où il a été procédé à l’engagement des mesures et des procédures nécessaires en vue de l’étude de l’ensemble des dossiers émanant des différentes catégories de retraités de l’Armée nationale populaire, et ce à la lumière des dispositions contenues dans le code des pensions militaires modifié n 13-03 du 20 février 2013. Ceci a permis la régularisation de la majorité des dossiers déposés». Pour lui les protestations sont l’œuvre d’ «d’infiltration d’individus n’ayant aucun lien avec ce dossier et voulant introduire leurs revendications parmi celles des catégories concernées…».
Le Ministre de la Santé et de la population ne fait pas mieux ou fait mieux, c’est selon, en déclarant que les revendications des médecins résidents ne sont pas de son ressort et qu’il allait entreprendre un rôle de « facilitateur ».
Couplé à l’emprise de l’informel sur des pans entiers de l’économie et au recul de l’autorité de l’Etat et une justice prise en otage, de telles carences dans la conduite des affaires publiques frisent la défaillance institutionnelle. Il y a tous les ingrédients qui peuvent conduire à un « Etat failli ».
(*) L’échec recommencé est le titre d’un ouvrage de Said Sadi
Rabah Said