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L’élargissement de la représentation des femmes dans les assemblées élues en Algérie

Les différents instruments juridiques internationaux, qui ont légitimé les politiques de discrimination positive, ont, tout de même, réussi à inciter l’Etat algérien à réfléchir pour favoriser l’accès des femmes à la représentation.
Que signifie une politique de discrimination positive et quel est son objectif ?
Le fondement de la discrimination positive promue par les institutions internationales, se réfère à un principe d’égalité substantielle qui s’effectue par le biais d’actions, qui visent à éliminer des inégalités passées ou actuelles subies par un groupe de personnes en lui accordant temporairement certains avantages préférentiels. Plus exactement, il s’agit de réaliser dans les faits un principe d’égalité des sexes consacré en droit, à travers la mise en œuvre de mesures préférentielles à l’égard des femmes. En d’autres termes, il s’agit d’introduire des mesures correctives pour promouvoir une égalité effective. Car ici, l’objectif est de corriger, en amont, parfois au cas par cas, les situations de ségrégations négatives dont sont victimes les femmes.
Traduction de cette revendication internationale, une révision constitutionnelle est intervenue en Algérie le 15 novembre 2008 . Cet amendement à la constitution de 1996 est intervenu pour augmenter les chances d’accès des femmes aux assemblées élus, en élargissant la représentation féminine au champ du politique. Ainsi, en application de celle –ci, un projet de loi organique est venu définir les modalités, d’élargissement de la représentation des femmes dans les assemblées élues. Son champ d’application est plutôt large : L’expression « assemblées élues » comprenant aussi bien, le parlement que les collectivités locales. Il s’ensuit qu’il concerne, aussi bien les élections au niveau de l’Assemblée Populaire Nationale, que celles des Assemblées Populaires de Wilaya ou des Assemblées Populaires Communales, chefs lieux de Daïra, ou celles dont la population est supérieure à vingt mille (20.000) habitants.
Concrètement, la discrimination positive passe par des étapes : la création de quotas en est un, la parité, l’ultime objectif. Donc, face à cette étanchéité parfaite qui empêche la femme d’accéder aux responsabilités électives, le système des quotas, bien qu’imparfait, constitue néanmoins ce cap à franchir. Ainsi, les quotas en politique peuvent se définir comme une mesure de discrimination positive fixant un pourcentage pour la représentation d’un groupe spécifique (les femmes dans ce cas). Appliqué pour les charges électives, les quotas ne dépassant que rarement le seuil de 30%, fixé par le Conseil économique et social de l’Organisation des Nations Unies.
Or, il est de notoriété que la représentation des femmes est particulièrement favorisée par le scrutin de liste à la proportionnelle dans le cadre d’une grande circonscription, des listes bloquées, un quota obligatoire, des règles strictes de placement des candidates (Listes « perlées », c’est-à-dire alternées avec au moins un tiers de femmes en position éligible.), et des sanctions efficaces en cas de non respect.
En Algérie, le système électoral repose sur la représentation proportionnelle, avec la mise en place d’un seuil d’éligibilité .
Toutefois, la loi ne comporte aucune obligation de placer les femmes en position éligible.
La place de celles –ci dépendra donc de l’attitude des partis politiques : ces derniers conservent l’initiative de placer ou non les femmes en position éligible.
Dès lors, quelles sont les implications qui ont découlé de cette loi organique sur la promotion des droits politiques des femmes algériennes ?

I –Les quotas imposés par la loi organique

Deux sortes de quotas ont été imposées par le biais de la loi organique n°12-03 :
– L’un au niveau de l’inscription dans les listes de candidatures présentées par chaque parti politique ou par des indépendants (article 2);
– L’autre au niveau de la répartition des sièges remportés (article 3).
Donc, au niveau des deux étapes, il exige qu’un nombre de sièges soit réservés aux femmes. Il faut souligner qu’en général, un quota de moyens ne garantit pas que les femmes seront effectivement élues, contrairement aux quotas de résultats.
1) Un quota féminin imposé à la liste de candidature
L’article 2 initial du projet de loi gouvernemental imposait un quota de candidates d’au moins un tiers sur le nombre total des candidats de chaque liste. En d’autres termes, le projet gouvernemental obligeait les partis ou les indépendants à faire figurer impérativement un tiers de candidates sur leurs listes.
Le ministre de la Justice de l’époque, Monsieur Tayeb Belaïz n’avait ménagé aucun effort pour défendre l’impératif d’un quota pour les femmes dans les Assemblées élues.
Preuve à l’appui, il notera que le taux actuel de représentativité des femmes à l’Assemblée Populaire Nationale (APN) ne dépasse pas 7,7% et 5,1% au Conseil de la nation. Avec la précision que toutes les femmes sénatrices ont été toutes désignées dans le tiers présidentiel par le président de la République. La situation n’est pas non plus meilleure dans les Assemblées locales élues puisqu’il est question de seulement trois femmes au poste de présidentes d’Assemblée Populaire Communale (APC) et aucune au poste de présidente d’Assemblée Populaire de Wilaya (APW). Concrètement parlant, le ministre qui a présenté les articles du projet précise que chaque liste de candidats doit comporter une proportion de femmes qui ne peut être inférieure au tiers (1/3) du nombre total des candidats de la liste sous peine de rejet.
Toutefois, ce projet de quota de femmes élues se heurtera à de fortes résistances des députés de l’Assemblée Populaire National. Les modifications introduites par ces derniers au projet de loi vont mettre en oeuvre un système très compliqué de pourcentages selon le nombre de sièges à pourvoir. Autrement dit, le taux de représentation féminine sera proportionnel au nombre de sièges attribués à une circonscription électorale.
Un quota à taux différenciés proportionnels au nombre de sièges par wilaya :
20% lorsque le nombre de sièges est égal à 4 sièges.
30% lorsque le nombre de sièges est égal ou supérieur à 5 sièges.
35% lorsque le nombre de sièges est égal ou supérieur à 14 sièges.
40% lorsque le nombre de sièges est égal ou supérieur à 32 sièges.
50% pour les sièges de la communauté nationale à l’étranger.
Par ailleurs, il s’avère que ce système pèche par une excessive complexité. Outre, qu’il ne peut, sur le plan technique, s’appliquer dans plusieurs cas ; de plus, confronté à la réalité du terrain, il peut donner des résultats incohérents.
Ainsi, ce processus graduel est, désormais, fonction du nombre de sièges attribué à chaque circonscription électorale. Il est compris dans une fourchette entre 20 % à 50 %.
Si nous prenons un exemple concernant le parlement, il nous faut, donc, nous référer à l’annexe de l’ordonnance n°02-04 du 25/02/2002, déterminant les circonscriptions électorales et le nombre de sièges à pourvoir pour l’élection du parlement, en vigueur à ce moment.
1ier cas : Le projet de loi établit un pourcentage minimal de 20% pour les circonscriptions électorales disposant de quatre sièges, c’est-à-dire, pour 14 des 48 wilayas que compte le pays. Mais, il faut souligner qu’au niveau de ces wilayas concernées , aucune femme ne sera inscrite dans une liste pour une raison toute simple, car, si on divise 4 sièges par 20 %, on obtient un résultat techniquement impossible. En d’autres termes, aucune femme de ces régions n’accèdera à la phase d’inscription sur une liste. La commission juridique de l’A.P.N. a tenté de justifier sa démarche par la nécessité de mettre en adéquation cette loi, temporairement, avec la réalité sociale et le poids des traditions à l’intérieur du pays. Ce faisant, est mis en avant une notion de gradualisme qui sera favorisée par une évolution des mentalités à travers le creuset de l’école. Certes, le principal problème de la sous -représentation des femmes en politique est que ces dernières se retrouvent très souvent stigmatisées par les préjugés enracinés à leur encontre dans une société caractérisée par une structure patriarcale. Dans cette hypothèse, on suppose qu’ils finiront par disparaître au fur et à mesure que la société évoluera.
2ème cas : Ensuite, vient le taux est de 30% qui s’appliquera pour les 29 circonscriptions électorales de plus de 5 sièges :
5 divisé par 100, multiplié par 30 =1,5 sièges.
Lors de l’application, il faudrait arrondir : les uns seraient tentés de donner un seul siège, d’autres opteraient pour deux sièges. Cela peut, donc, donner lieu à de multiples interprétations ! Par conséquent, des précisions doivent être fournies quant à leur application. En d’autres termes, il faut des critères précis de mise en œuvre. Car, en l’absence de critères précis ou lorsque les dispositions relatives aux quotas sont vagues, les partis politiques jouissent d’une importante marge d’appréciation pour appliquer les quotas comme ils le jugent bon.
3ème cas : Par ailleurs, le taux de 35% est réservé aux circonscriptions ayant 14 sièges et plus.
Ici, seules, deux wilayates sont concernées, l’une, Tizi-Ouzou dispose de 14 sièges, et Oran, dispose de 15 sièges : 15 : 100 x 35 = 5,25
4ème cas : En ce qui concerne le taux de 40%, il ne s’appliquera que pour la capitale, car seule Alger dispose de 32 sièges :
32 : 100 x 40 = 12,8
5ème cas : Enfin, la communauté algérienne à l’étranger a droit à un pourcentage de 50%. Les nationaux résidants à l’étranger sont représentés par huit membres élus. Et, si le problème ne se pose pas pour la zone 1 et la zone 2 , en revanche, il soulève d’âpres difficultés pour les zones 3 ; 4 ; 5 et 6 .
En effet, chacune dispose d’un seul siège. Comment répartir techniquement un seul siège entre un homme et une femme puisque le projet de loi modifié énonce que la répartition s’effectue 50/50 ? Autrement dit, peut- on diviser un seul siège entre deux personnes ?
Donc, mise à part, les deux circonscriptions électorales au niveau de la France qui comprennent chacune respectivement deux sièges, en revanche, pour les quatre autres, l’efficacité de ce système sera d’ordre purement symbolique. En toute bonne logique, peut –on introduire une parité lorsque la circonscription électorale comprend un seul siège ?
2- Un quota de sièges gagnés réservé aux femmes
Dans la deuxième étape, qui concerne les élus, les quotas prennent la forme de sièges réservés. Là, un pourcentage graduel de sièges est réservé aux femmes. Donc, c’est l’étape qui vient après les élections, au niveau des listes qui obtiennent des sièges, et il faut les répartir entre les élus. Autrement dit, cela concerne les sièges gagnés par un parti politique ou des indépendants, et le quota consiste à accorder un pourcentage sur le nombre de sièges remportés.
Et si l’article 3 initial du projet de loi organique prévoyait un quota de 30 %, qui prenait la forme de sièges réservés, le nouvel article 3 amendé, leur accorde un pourcentage, sur le nombre de sièges remportés, en fonction des taux précédemment définis par l’article 2 ci-dessus . Celui-ci impose de réserver aux femmes, des taux variables, selon le nombre de sièges attribués à chaque circonscription électorale. Autrement dit, le système de pourcentage sera graduel et proportionnel au nombre de sièges par circonscription électorale.
Donc, un certain pourcentage de sièges, celui là même décrit dans l’article 2 ci-dessus amendé du projet de loi organique, est obligatoirement réservé aux candidates selon leur classement nominatif dans les listes . Voilà, ce que nous en dit le Conseil constitutionnel :  » (…) aux termes de l’article 3 la répartition des sièges s’effectue au prorata du nombre de voix obtenues et que les proportions fixées à l’article 2 sont obligatoirement réservées aux candidats femmes selon leur classement nominatif dans les listes »
Ainsi, exception sera faite à la règle commune de répartition des sièges instituée par la loi électorale et qui implique d’obéir à l’ordre de classement des candidats sur la liste présentée. Donc, un problème juridique va se poser par rapport au projet de loi organique relative au régime électoral. En effet, deux articles risquent d’entrer en contradiction avec le principe contenu dans cet article 3, l’article 72 pour les APC et APW qui énonce que « L’attribution des sièges entre les candidats d’une liste doit obéir à l’ordre de classement des candidats sur cette liste » et l’article 91 qui dispose, pour l’A.P.N., que : «Les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre figurant sur chaque liste ».
Certes, il aurait été plus judicieux, d’inclure, au début de cet article, la formule suivante« nonobstant les dispositions contenues au niveau de la loi organique fixant les modalités d’élargissement de la représentation des femmes dans les assemblées élues….. ».
Sinon, il aurait fallu combiner des règles spécifiques concernant la répartition
Mais, quoi qu’il en soit, même si le projet de loi ne prévoit pas de règles de classement, le risque de voir les partis politiques faire figurer les candidates en bas de listes ne devrait pas, en principe, influer sur le résultat ! Car, faut il souligner, la répartition des sièges n’est pas fonction du classement mais s’effectue selon un système global et en fonction d’un pourcentage graduel variant selon le nombre de sièges attribués à chaque circonscription. Par exemple, pour un taux de 40% et une liste qui a gagné 10 sièges, on attribue 4 sièges aux femmes (quand bien même, seraient –elles classées parmi les vingt dernières) et 6 pour les hommes.
Mais le problème qui se pose concernant l’article 3, est qui va contrôler cette répartition ?
Or, la loi a péché par lacune : aucune sanction, en cas de non application de l’article 3, n’est prévue. Une norme juridique non suivie de sanction devient une disposition non effective !
Il faut, tout de même reconnaître que le système existant dans le projet initial présenté par le Ministère de la justice, était, nettement plus simple. Il aurait, sans nul doute, pu mieux favoriser la promotion de la représentation des femmes. De plus, le choix initial de 30% représentait un pourcentage plus conforme à l’esprit de la convention des Nations unies sur l’élimination de toutes formes de discrimination envers les femmes (La CEDAW).
Malheureusement, les amendements qui lui ont été apportés par l’Assemblée Populaire Nationale, ont abouti à l’obscurité de certaines de ses dispositions, en l’occurrence, les articles 2 et 3. En effet, à tous les niveaux, l’application de ces taux graduels devient un véritable casse-tête pour les professionnels du droit. Face à une complexité inutile qui déroute, il convient d’émettre des réserves. Il faut bien convenir qu’ici, la lisibilité du texte, au sens de compréhension, ne trouve guère son compte.
Il s’ensuit que l’application de cette loi organique nécessitera la modification du découpage électoral. Ce que nous verrons en deuxième partie.

II – Les implications nées de la loi

Concernant les implications nées de la loi organique, plusieurs questions se posent :
Le premier point consiste à savoir s’il existe des règles concernant le placement sur les listes.
Le deuxième point, s’il existe des mesures d’accompagnements, c’est-à-dire, le contrôle des listes et des sanctions.
Enfin, dernier point, quelles leçons peut-on tirer de l’expérience algérienne après la mise en place du système de quotas ?
1) Le mode d’inscription sur une liste
Pour l’accès aux mandats électoraux, l’inscription de son nom sur les listes électorales établies par les partis politiques, constitue un pas important.
Chez nous, en Algérie, rien dans la loi organique de 2012, ne vient préciser l’ordre de classement Hommes/Femmes sur les listes.
Il s’en est suivi qu’un grand nombre de candidates se sont retrouvées reléguées en fin de liste, en position non éligible. Il est même établi, de manière générale, qu’un critère fut –il de 40 pour cent de femmes, par exemple, peut ne faire élire aucune femme. Sans nul doute, cela résulte tout simplement du positionnement des femmes dans les listes électorales présentées. De nombreuses candidates se sont ainsi retrouvées inscrites en queue de liste, ou tout au mieux à la huitième ou neuvième place, voyant ainsi leurs chances d’être choisies par les électeurs s’amenuiser.
La question essentielle porte, dès lors, sur la place occupée par les femmes sur la liste qui doit leur offrir une chance réelle d’élection. Ainsi, un quota dans les candidatures ne garantit pas nécessairement l’élection de ces femmes, même si elles se trouvent sur des listes gagnantes.
Si la désignation est le stade crucial du processus électoral, ce sont les partis qui, bien que soumis à l’influence des électeurs, restent les détenteurs de cette décision. La réussite dépend, alors, en grande partie de la volonté politique des états-majors des partis qui investissent les candidates.
Dans la première étape d’un processus de sélection, les partis politiques désignent leurs candidats et les font figurer sur leurs listes en vue d’une élection.
Cependant, quelque soit le pourcentage, il peut être en trompe-l’œil, si les partis politiques ne conçoivent la participation féminine que pour faire du « remplissage ». Dans les faits, les femmes sont souvent assimilées à des boulets que les partis politiques se croient obligés de traîner par simple respect du quota. Pour beaucoup, la loi sur les quotas imposant une représentation féminine sur les listes présentées, s’est, au fil du temps, transformée en contrainte pour certaines formations politiques ainsi tenues de présenter des femmes sans que cela ne traduise une conviction profonde.
Ainsi, la sélection des candidats passe obligatoirement par les instances supérieures des partis politiques et il faut avoir leur aval pour être choisi comme candidate.
Tout de même, si les femmes composent près de la majorité du corps électoral, il faudrait bien que les partis se résignent à jouer le jeu et à se départir de leur misogynie qui constitue un véritable obstacle. La responsabilité leur incombe : ils restent encore réticents à investir des candidates et craignaient, avant tout la perte d’un monopole qui choquerait la conscience masculine.
Dès lors, pour éviter que la misogynie de certains états-majors politiques ne les conduise à reléguer systématiquement les femmes en queue de liste, sans aucune chance d’être élues, comme cela s’est, déjà, passé pour certains pays, des précisions doivent être apportées quant aux modalités d’inscription des noms sur les listes, c’est-à-dire, la fameuse place que chaque candidat ou candidate doit occuper.
Pourtant, en Algérie, au moment de la première application, en 2012, le ministre de l’intérieur de l’époque avait même envoyé une instruction aux partis politiques qui leur imposait d’appliquer l’alternance homme/femme pour les deux premiers sièges obtenus de la liste.
Néanmoins, lors des élections législatives et locales de 2017, il y a eu une faible présence de femmes en têtes de liste des partis politiques. Ainsi, la présence croissante des femmes sur les listes électorales semble admise mais les réticences persistent lorsqu’il s’agit de les placer en tête de liste.
2° Les mesures d’accompagnements
Contrôle des listes, Sanctions
Pour accroître le nombre de femmes élues, les instances internationales préconisent d’assortir les quotas de mesures incitatives ou contraignantes.
Pour certains pays, une politique de sanctions financières a été sérieusement envisagée. Pourtant, là, si certains pensent que des mesures incitatives sont suffisantes ; d’autres, doutant de leur efficacité, estiment qu’elles doivent être assorties de sanctions pour être, vraisemblablement prises en considération. Et pas n’importe lesquelles : il faut les assortir de fortes contraintes légales. En effet, toute politique de quota voit son efficacité considérablement réduite par la faiblesse des sanctions associées au non respect de l’obligation prescrite.
Chez nous, force est de reconnaître que, la sanction établie par l’article 5 de la loi organique de 2012, qui consiste à invalider les listes , pour non respect des règles imposées (c’est-à-dire que la liste ne présente pas un nombre suffisant de femmes), est non seulement, la plus efficace, mais aussi la plus radicale. A cet égard, si l’inscription sur les listes de candidatures selon le taux graduel, n’est pas respectée, cela entraîne le rejet de toute la liste . Cela va obliger les partis politiques à travailler dur pour recruter un nombre suffisant de femmes, afin d’éviter de voir leurs listes rejetées. Néanmoins, si dans la loi organique, l’autorité chargée de contrôler ces listes n’est pas précisée, cette tâche sera confiée, dans les faits, au ministre de l’intérieur . En pratique, le contrôle s’est fait par le ministère de l’intérieur, qui a dû procéder à l’annulation de toutes les listes qui ne répondaient pas aux conditions exigibles.
Toutefois, si le non –respect de ce taux entraîne le rejet de la liste, encore qu’un délai déterminé pour la mise en conformité de la liste rejetée est, néanmoins, accordé par la loi.
En définitif, il demeure, sans aucun doute, que le contrôle des listes constitue une garantie indispensable à l’application effective de ce système.
Aide financière spécifique de l’Etat
Actuellement, le monde féministe demande que les financements des partis soient accordés en fonction de la représentativité féminine.
N’est ce pas que serrer les cordons de la bourse peut vaincre la plus tenace des résistances ? On les comprend : l’argent peut vaincre les ténacités.
Dans la loi organique de 2012, les partis politiques ou les indépendants qui auront favorisé la représentation des femmes, et obtenus des élues dans les assemblées bénéficieront d’une aide financière spécifique de l’Etat. L’article 7 énonce que l’aide financière spécifique de l’Etat, sera fonction du nombre de candidates élues aux assemblées ; en d’autres termes, au prorata des candidates élues aux différentes assemblées.
Donc, l’Etat prévoit des encouragements pour ceux qui ne ménagent pas leurs efforts pour favoriser l’élection des femmes et pour promouvoir davantage la place des femmes au sein des assemblées élues. C’est une exigence du mouvement féministe algérien qui a demandé que les financements des partis soient accordés en fonction de la représentativité féminine.
Dans ce cas, il faut encore introduire des dispositions relatives à la pénalisation financière des partis qui ne respectent pas les principes imposés pour augmenter les chances d’accès des femmes.
Règles de remplacement
En cas de retrait d’une candidate d’une liste ou d’empêchement d’une autre de se présenter, la remplaçante sera de même sexe. De même, le remplacement d’un siège attribué à une femme sera pourvu par une femme. Donc, le remplacement se fait toujours par une personne de même sexe. Donc, tout remplacement d’un élu qui n’achèverait pas son mandat, se fera par un candidat du même sexe de la liste présentée lors du scrutin concerné.
3° Leçons à tirer de l’expérience algérienne
Même si des difficultés ont surgit lors de son application, l’année 2012 a incontestablement constitué un moment historique : il y eu 31 % d’élues. Ce qui a fait évoluer de manière considérable la représentation féminine , jusque-là circonscrite à une trentaine de sièges arrachés en 2007.
Résultat d’une loi instaurant un quota de femmes dans les assemblées élues ?
N’était-ce la volonté politique tenace du Président de la République, la loi organique aurait constituée une barrière en papier face à la résistance des anciens challengers.
Effectivement le coup de pouce présidentiel a vite produit son effet. Objectif : promouvoir la femme algérienne en mettant en place des mécanismes destinés à faciliter son évolution au sein de la société.
Le résultat ne s’est pas fait attendre : 2012 marquait une entrée massive des femmes dans une APN jusque-là occupée majoritairement par les hommes.
La forte volonté présidentielle est venue à bout de la misogynie des états major des partis politiques. Effectivement, Des problèmes ont surgi dès qu’un parti devait écarter le candidat sortant parce qu’il fallait imposer la candidature d’une femme. Dans ces conditions, seul le siège où l’ancien député ne se représentait pas offrait une chance réelle aux femmes.
Ce qui a poussé le Président de la République à intervenir par ordonnance pour augmenter le nombre de sièges à l’Assemblée populaire nationale (APN). Ce dernier, qui était de 389, sera porté à 462, soit 73 sièges supplémentaires pour les femmes, à l’occasion des élections législatives de 2012 ; et ce conformément à l’ordonnance n° 12-01 du 13 février 2012 déterminant les circonscriptions électorales et le nombre de sièges à pourvoir pour l’élection de l’Assemblée Populaire nationale .
L’expérience semble prouver que la mise en place d’un système de quotas est plus aisée dans un régime politique neuf que dans un régime établi depuis longtemps où les sièges sont déjà « occupés » et où, en conséquence, un conflit peut éclater entre les nouveaux groupes et ceux
d’anciens titulaires de sièges. De toute évidence, ce système de quotas risque, aussi, de créer des conflits graves au sein des partis politiques, car il est clair que les anciens challengers, déjà élus, qui voudraient se représenter, verront leurs chances diminuer au profit, de ceux qu’ils considèrent comme « usurpatrices ». Par conséquent la politique des quotas pousse à de sordides calculs au sein des états-majors des partis politiques. De même que beaucoup d’hommes politiques n’entendent pas se faire disputer, par une femme, leurs places sur les listes électorales. Par conséquent la politique des quotas pousse à de sordides calculs au sein des états-majors des partis politiques.
Cependant, en 2017, Le taux des femmes ayant accédé à la députation est en net recul par rapport à celui enregistré durant les législatives de 2012. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 118 femmes élues à l’Assemblée ce 4 mai 2017 contre 146 en 2012. Le nombre de femmes ayant accédé à la députation en 2017 (118) est en net recul par rapport à celui enregistré durant les législatives de 2012 (146). Que s’est-il passé depuis, et comment expliquer le recul actuel ?
Sans aucun doute, certains diront que leur influence au sein de l’institution est contrecarrée par le conservatisme grandissant de la société. Il ne faut surtout pas compter sur une quelconque évolution naturelle : la politique reste, par excellence, la chose des hommes.
De plus, il faut pourtant préciser qu’en 2017, le champ politique algérien s’est considérablement fragmenté. Le nombre important de petits partis politiques, qui ont reçu l’agrément après 2012, et qui se sont présentés aux élections législatives, a faussé les résultats. En effet, plusieurs listes ont obtenu un seul siège qui est allé au profit de l’homme, tête de liste, en général, le fondateur du parti politique…
Il apparaît donc que les progrès ne sont pas acquis, qu’ils exigent des efforts constants, la prise de mesures et une volonté politique tenace.
Les dynamiques contraires (Résistance aux quotas de femmes) sont si fortes que les quotas ne suffisent pas, à eux seuls, à assurer l’équilibre des chances sur le terrain politique. Les partis peuvent présenter le nombre requis de femmes tout en trouvant d’autres moyens de contourner l’esprit des quotas. Il s’ensuit que le quota féminin peut être facilement relégué aux oubliettes sans un lobbying continu. Les progrès sont donc lents.
Dans le discours officiel de l’État algérien, l’émancipation des femmes serait le corollaire du développement économique conduit par l’État. Or, ce discours a, dès le début, été confronté à des discours politiques d’exclusion des femmes s’appuyant sur des références religieuses et patriarcales.
Alors, les femmes seront –elles condamnées entre un « plafond de verre » (qui bloque leur carrière) et un « plancher collant » (qui les retient dans les fonctions moins élevées) ?
En conclusion, il faut reconnaître qu’il existe un plafond de verre bien difficile à briser… Et une émancipation toujours au forceps…

Benabbou Fatiha

Professeure à l’Université d’Alger 1

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[1] L’Algérie a adhéré le 22/01/1996 à la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (dite CEDAW). J.O.R.A.D.P. N° 6 du 24/01/1996.

[1] Loi n° 08619 du 15 novembre 2008 portant révision constitutionnelle. J.O.R.A.D.P.N° 63 du 16 novembre 2008. P. 8.

[1] L’article 31 bis, de la Constitution de 1996 révisé, est rédigé comme suit : « L’Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d’accès à la représentation dans les assemblées élues. Les modalités d’application de cet article sont fixées par la loi organique.»

[1] Un taux de  5% pour l’élection à l’Assemblée Populaire Nationale (A.P.N.) et de 7% pour les collectivités locales.

[1] Loi organique n° 12-03 du 12 janvier 2012 fixant les modalités augmentant les chances d’accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues. JORADP N°1 du 14/01/2012. P. 39.

[1] C’est l’équivalent d’une préfecture.

[1] C.F. Ordonnance n°02-04 du 25/02/2002 modifiant l’ordonnance n° 97-08 du 06 mars 1997 déterminant les circonscriptions électorales et le nombre de sièges à pourvoir pour l’élection du parlement.  J.O.R.A.D.P. n°15 du 28 février 2002. P.22. et 23.

[1]La loi organique relative au régime électoral du 06/03/1997 énonce dans ses dispositions relatives à l’élection des membres de l’A.P.N. dans son article 101 que « [ ] la circonscription électorale de base pour l’élection des membres de l’Assemblée populaire nationale est fixée aux limites territoriales de la wilaya. Autrement dit, chaque wilaya est une circonscription électorale. 

[1] Ces wilayates sont les suivantes : Adrar, Laghaout, Bechar, Tamanrasset, Saïda, El Bayadh, Illizi, El Tarf, Tindouf, Tissemsilt, Khenchela, Naama, Ain Temouchent, Ghardaïa.

[1] Il s’agit des wilayates les suivantes : Wilaya d’Oum El Bouaghi, Wilaya de Batna, de Béjaïa, de Biskra, de Blida, de Bouira, de Tébessa, de Tlemcen, de Tiaret, de Djelfa, de Jijel, de Skikda, de Sidi Bel Abbès, d’Annaba, de Guelma, de Constantine, de Médéa, de Mostaganem, de M’Sila, de Mascara,de Ouargla, de Bordj Bou Arreridj, de Boumerdès, d’El Oued, de Souk Ahras, de Tipaza, de Mila, d’Aïn Defla, de Relizane.

[1] Ces zones relèvent de la France qui dispose, à elle seule de 4 sièges. C.F. Décret exécutif n°02-87 du 05/03/2002  déterminant les modalités d’application des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance n° 97-08 du 06 mars 1997 déterminant les circonscriptions électorales et le nombre de sièges à pourvoir pour l’élection du parlement. J.O.R.A.D.P. n°16 du 05/03/2002. P.6.

[1] L’Europe dispose d’un seul siège.

[1] Cette zone regroupe le Maghreb arabe et l’Afrique.

[1] Cette zone regroupe le Monde arabe.

[1] Cette zone regroupe l’Amérique et l’Asie -Océanie.

[1] Il faut donc réitérer les mêmes remarques que celles faites pour l’article 2 amendé.

[1]Avis n°05/A. CC/ 11 du   22 décembre 2011 relatif au contrôle de la conformité de la loi organique fixant les modalités d’élargissement de la représentation des femmes dans les assemblées élues, à la Constitution.

[1] Rappelons que c’est le Conseil économique et social de l’ONU qui conseille un quota de 30% de femmes. Le droit international  ne dispose pas de mesures juridiques contraignantes à même d’imposer une application concrète ; donc, nombre de ses dispositions sont restées lettre morte dans beaucoup d’Etats. Toutefois même si souvent, il ne peut garantir l’effectivité de ses normes, la pression qu’il fait peser sur les gouvernants, en mobilisant l’opinion publique internationale, rend, sans conteste, beaucoup plus difficiles, des discriminations criardes à l’égard des femmes.

[1] Cette loi de 1994 avait instauré un quota d’un tiers de femmes sur les listes mais rien n’avait été précisé quant à la place qu’elles devaient occuper. Aux élections législatives de 1999, il y eut donc 39 % de femmes parmi les candidats et 23,3 % seulement parmi les élus. Mais en 2001, la Constitution belge a été modifiée et de nouvelles lois ont été votées : il doit désormais y avoir autant de femmes que d’hommes sur les listes et les deux premiers candidats doivent être un homme et une femme. Cela, a constitué un véritable progrès et, lors des élections législatives de 2003, le pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale belge est passé à 34,6 %.

[1] Grâce à l’application de la loi organique du 12 janvier 2012, qui détermine les modalités de l’élargissement de la représentation de la femme dans les Assemblées élues, les taux réalisés lors des élections d’Assemblées communales en 2012, étaient estimés à 16.56% soit 4.119 femmes contre 0.76% en 2007 et de 29.69% soit 595 femmes élues contre 6.89% en 2007, pour les APW.

[1] Les sanctions peuvent être pécuniaires, comme  c’est le cas en France au niveau national.

[1] C.F. Article 5 du Projet de loi organique fixant les modalités d’élargissement de la représentation des femmes dans les assemblées élues.

[1] Par exemple, la France assigne au préfet le soin de refuser le dépôt d’une liste qui ne respecte pas ce principe.

[1] Nadia Lamlili et Abdellatif El Azizi dans les numéros 258 du 27/01 au 2/02/ 2006 et 259 du 3/02 au 9/02/ 2006 de Tel Quel .Source : http://www.telquel-online.com

 

[1] Le taux de représentation des femmes au parlement algérien était de 31,6%, selon ce classement, établi par l’Union interparlementaire. http://www.radioalgerie.dz/news/fr/article/20160116/64685.html

[1] JORADP N°8  15/02/2012. P. 4.

[1] Cent dix huit femmes siègeront à l’Assemblée Nationale Populaire nouvellement élue, dont la majorité est issue des deux partis au pouvoir : FLN (50 femmes élues) et RND (32 femmes élues).

[1] En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sciences/article/2012/05/24/la-chercheuse-entre-plancher-collant-et-plafond-de-verre_1707073_1650684.html#kP5qqReWGdtZw3AV.99

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