Ces derniers temps, un discours assez singulier tente d’émerger des brumes qui couvrent la scène politique algérienne. Il consiste à expliquer que la participation massive renversera la vapeur et permettra « la rupture sans reniements ».
Jusque là, on connaissait les positions des partis de la coalition présidentielle et ceux de l’opposition.
Les premiers, biberonnés à la rente et assumant une servilité assez primaire, relaient les instructions de leurs parrains, quitte à se contredire d’une semaine l’autre. De son côté, l’opposition a longtemps accepté de jouer le jeu jusqu’à découvrir à ses dépens que les surveillances si méticuleuses soient-elles ou les engagements les plus officiels de l’armée quant à sa neutralité, reniées dès le premier jour de la campagne, étaient autant d’illusions.
Nouveauté, il y a dans ce scrutin un autre propos, distillé par de nouveaux acteurs. Il consiste à expliquer qu’en préconisant d’autres démarches, boycott ou action alternative située en dehors des cercles claniques, l’opposition n’est pas crédible puisqu’elle participe à des scrutins législatifs qui sont tout aussi biaisés que la présidentielle.
Ce procès d’intention mérite quelques remarques car il participe d’une analyse assez pernicieuse. Les partis de l’opposition démocratique, quand ils acceptent de s’impliquer dans une élection législative, ont toujours dit qu’ils savent que les fraudes les priveront toujours de la possibilité de remporter une majorité, partisane ou collective, à l’assemblée. Avec divers succès, ils ont estimé devoir se donner pour mission d’exploiter l’enceinte parlementaire dans sa fonction tribunitienne afin de dénoncer les abus que valident les « élus » du régime par des bras en l’air qui tiennent plus d’un « haut les mains » que d’un geste électoral. Il en est de même pour les communales. Chaque municipalité sauvée de la clientélisation est un espace pédagogique de plus qui conforte la gestion démocratique.
Mais une présidentielle, par définition, aboutit à un seul élu. Il n’y a donc ni dissonance verbale ni gestion sectorielle possibles.
Alors pourquoi ces nouveaux adeptes de la participation disqualifient-ils les appels à des chemins extérieurs aux périmètres définis par le système ?
Si on peut mettre sur l’inexpérience politique les maladresses d’un Ali Ghediri qui s’irrite contre « les élites qui ont démissionné » et qui stigmatise les partis de l’opposition qui n’ont pas assez fait pendant qu’il suivait sa formation militaire, il est peu probable que les voix qui expliquent qu’un vote massif ferait basculer le vote en faveur du changement ignorent que c’est le pouvoir occulte qui fait annoncer les résultats par le ministère de l’intérieur indépendamment de toute les réalités du terrain.
En brocardant les « boycotteurs » ou les initiateurs d’alternatives non inscrites dans les gènes du système, dont ils présentent les positions comme des soutiens implicites au pouvoir, ces rabatteurs veulent éviter une abstention record qui, ajoutée à un candidat comateux, fragiliserait un peu plus l’équilibre instable d’un système épuisé par ses propres tensions et échecs.
Et si ces insidieuses péroraisons n’étaient qu’une manœuvre de plus pour tenter un autre maquillage contre un rejet électoral dont la violence n’a d’égale que celle qui a brisé le rêve algérien en 1962.
Akli Rahmoune.