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[ ENTRETIEN ] L’écrivain Youcef Zirem à Ameslay : « La révolution triomphera.» 

 

 

Youcef Zirem est l’un des intellectuels Algériens qui accompagnent la révolution en marche depuis  son avènement. Il est écrivain, poète, romancier, et journaliste  originaire de la région d’Akfadou dans la wilaya de Béjaia. Agissant en électron libre, il n’a jamais fait partie d’un parti ou d’un mouvement politique. Écrivain engagé, il s’est toujours opposé à la dictature. Il a à son actif plusieurs livres dont Les enfants du brouillard, L’âme de Sabrina, La Guerre des ombres, La Vie est un grand mensonge, Autrefois la mer nous appartenait, Je garderai ça dans ma tête, Le Semeur d’amour, Le Chemin de l’éternité, Histoire de la Kabylie, L’Homme qui n’avait rien compris, La Porte de la mer, Matoub Lounès, la fin tragique d’un poète, Les étoiles se souviennent de tout, La Cinquième mascarade…

Comme journaliste, il a travaillé pour plusieurs rédactions Algéroises telles que La Nation, Le Quotidien d’Oran, L’Opinion, Le Quotidien d’Algérie, Alger-Républicain, L’Événement, Libre-Algérie ou encore La Tribune. Il a dirigé en 2003 la rédaction de l’hebdomadaire Le Kabyle de Paris. Vivant à Paris, il collabore à de nombreux médias français et internationaux.

Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il revient sur les aspects du mouvement du 22 février et son importance pour l’avenir démocratique de notre pays.

 

Ameslay : En Algérie, une contestation est engagée depuis le 16 février à Kherrata et depuis  le 22 du même mois dans la majorité des villes algériennes. Nous avons constaté que vous êtes parmi les  intellectuels qui accompagnent ce processus depuis son début. Selon votre appréciation, s’agit-il d’une révolution ou d’une simple révolte ?

Y.Zirem : J’accompagne les mouvements de contestation depuis de longues années . J’ai toujours écrit dans la presse et dans mes livres ce que je pense du système algérien. C’est ce que je raconte également dans mon dernier roman, La Cinquième mascarade, paru à Paris au mois de mars dernier. Quand la contestation en cours a commencé, j’ai salué ce magnifique mouvement. Pour moi, c’est une Révolution : d’abord dans les mentalités, puis dans ses objectifs clairs et surtout dans son aspect pacifique. Des millions d’Algériens marchent, à travers tout le pays, depuis 8 mois sans que cela déborde, c’est extraordinaire : il y a peu de pays, de par le monde, qui ont vécu cela.

C’est la première fois de son Histoire que le peuple algérien se réconcilie vraiment avec lui-même. 

Ameslay : Des revendications démocratiques et citoyennes inspirées du congrès de la Soummam et qui étaient jusque-là,  l’apanage de la Kabylie et de l’Algérois se propagent dans les différentes régions du pays. Que pensez-vous de cette prise de conscience nationale ? 

Y.Zirem : Il y a une énorme prise de conscience de la jeunesse, des femmes, à travers tout le pays. C’est inespéré, on ne pouvait pas rêver mieux. Le Congrès de la Soummam a été détourné mais les principes qu’il contient peuvent être une source d’inspiration. Cependant, le monde va trop vite, il faut regarder de près ce qui s’y passe, s’en inspirer, tenter d’être moderne et à l’écoute de tout. Autrefois, la Kabylie se battait toute seule contre le système, maintenant elle est rejointe par le reste du pays malgré toutes les manipulations du pouvoir et de ses relais médiatiques. C’est la première fois de son Histoire que le peuple algérien se réconcilie vraiment avec lui-même. C’est là où se trouve la véritable Révolution.

Mohcine Belabbas avec d’autres animateurs de la Révolution fait partie de ces femmes et de ces hommes qui seront utiles à la construction de la nouvelle Algérie.

Ameslay : Des jeunes leaders politiques émergent, en ce moment révolutionnaire. Nous avons lu sur une publication Facebook, ce que vous avez écrit concernant le président du RCD Mohcine Belabbas. S’agit-il d’une nouvelle génération qui pourrait révolutionner réellement la pratique politique en Algérie ?

Y.Zirem : Oui j’ai salué le courage et la lucidité politique de Mohcine Belabbas, c’est l’une des plus grandes révélations de cette Révolution. Je l’ai vu manifester chaque semaine, chaque fois qu’il y a un événement important . Il a été à la hauteur des aspirations du peuple, de la Révolution ; je l’ai écouté parler en arabe, en kabyle et en français, il va toujours à l’essentiel, sans détour, avec une force du verbe certaine et un courage admirable. Mohcine Belabbas avec d’autres animateurs de la Révolution fait partie de ces femmes et de ces hommes qui seront utiles à la construction de la nouvelle Algérie. Il y a, bien sûr, des milliers de leaders engagés et porteurs de belles idées parmi le peuple de la Révolution. Malheureusement, ils ne sont pas médiatisés. Karim Tabbou, Sidali Kouidri Filali, Mostafa Bouchachi, Fodil Boumala, Samir Benlarbi, Abdelouahab Fersaoui, Hakim Addad, Amira Bouraoui, Massinissa Amraoui, Abdou Bendjoudi, Akila Lazri et tant d’autres véhiculent une aspiration au changement qui va faire du bien au pays. Cette Révolution est celle de la jeunesse et des femmes. Jamais les femmes algériennes ne se sont imposées dans la rue comme elles le font depuis 8 mois. Ce sera un grand atout pour contrecarrer, demain, les esprits rétrogrades quand on passera aux débats sur les projets de société, quand l’armée rejoindra la caserne, définitivement.

Il est à espérer que l’état-major de l’armée se rende compte qu’il fait un mauvais choix depuis 8 mois en s’opposant à la Révolution en cours

Ameslay : Prenant compte de la réaction violente du commandement militaire qui fait appel à la répression pour sauver le régime, pensez vous que ce processus révolutionnaire, initié le 22 février,  atteindra ses objectifs ?

Y.Zirem : La Révolution triomphera, c’est inévitable, la fraternité retrouvée du peuple est invincible. C’est juste une question de temps. Les ruses de l’actuel état-major de l’armée ne pourront rien devant la détermination des Algériens à vivre dans la dignité, la justice sociale, la liberté, dans un nouveau régime démocratique, loin de tout ce personnel politico-militaire corrompu qui a abîmé le pays. Mais le chemin sera encore long et escarpé. Il faudra toujours du pacifisme, de la patience, de l’union, de l’amour, de la générosité, de l’humour, de l’endurance, de la sagesse, de l’ouverture d’esprit. Il est à espérer que l’état-major de l’armée se rende compte qu’il fait un mauvais choix depuis 8 mois en s’opposant à la Révolution en cours. L’état-major de l’armée doit comprendre que l’armée a tout à gagner en rentrant à la caserne définitivement pour s’occuper de la protection du pays, uniquement. L’armée n’est pas habilitée à faire de la politique. L’armée appartient au peuple. L’armée doit respecter la souveraineté populaire. Au fond, avec ce réveil salutaire du peuple, l’avenir de l’Algérie ne sera que plus beau, pour paraphraser mon ami Rachid Mimouni, paix à son âme. Quand l’armée rentrera dans la caserne, il nous faudra comprendre que pour construire un nouveau pays, il nous faudra installer un vivre-ensemble fait de valeurs humaines, de respect, de l’écoute, de solidarité, de générosité, de justice sociale. Tout cela est à notre portée.

Entretien réalisé par Moussa Nait Amara.

 

 

 

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