Le moins que l’on puisse dire de l’adresse présidentielle d’hier soir à la nation est qu’elle est passée à côté de l’essentiel. Déconnecté de la réalité du pays, le chef de l’Etat désigné a parlé une demi-heure durant des modalités techniques d’application de sa feuille de route rejetée massivement par le peuple Algérien, le 1er novembre passé, et a éludé tous le bouquet de revendications légitimes exprimées deux ans durant par ce dernier.
Abdelmadjid Tebboune ne s’est même pas donné la peine d’exprimer son regret de voir son projet principal, la révision constitutionnelle en l’occurrence, rejeté de façon cinglante et sans appel. Pire, il a montré une disposition défiante à faire de cette constitution boudée massivement un fait accompli à toute la nation. C’est dans cet esprit de défiance qu’il a déroulé un ensemble de décisions déphasées des attentes populaires récemment réitérées par des centaines de milliers à Kherrata.
Le chef de l’Etat désigné en décembre 2019 malgré le boycott massif des Algeriens de la pseudo présidentielle, a éludé hier soir tous les dossiers capables de dégeler la situation et d’ouvrir une voie au règlement de la crise politique profonde que vit le pays depuis l’indépendance.
Fait saillant, Abdelmadjid Tebboune n’a pas soufflé mot sur l’exigence d’ouvrir les médias publics, propriété de tout le peuple Algérien, à l’opposition politique. Il n’a annoncé aucune décision dans ce sens. Pourtant cette revendication essentielle lui est parvenue, y compris par la voix de la nouvelle clientèle du régime récemment reçue dans son palais présidentiel.
L’autre raté du speech présidentiel est la question des espaces publiques hermétiquement fermés aux acteurs politiques de l’opposition et de la société civile non ralliée aux thèses du pouvoir en place. Une ouverture qui est un impératif politique à même d’assurer un débat serein et inclusif sur la situation désastreuse du pays.
Aucune annonce économique forte pour endiguer la crise des liquidités bancaires n’a été faite. Pourtant tous les données attestent que la situation des caisses bancaires se gère au jour le jour et que le système tient à un fil.
L’autre plus grand dossier magistralement ignoré est l’entame d’une démarche politique à même de régler la crise multidimensionnelle que vit le pays et qui le place dans une impasse sérieuse. Ni les appels de l’opposition à aller vers une initiative de mise en place d’une phase de transition constituante, ni la proposition des nouvelles clientèles du régime d’aller vers une conférence nationale inclusive pour débattre des modalités de mise en place d’un processus de démocratisation du régime n’ont trouvé écho dans la voix défiante et décalée d’Abdelmadjid Tebboune, visiblement imbu de son autorité et de son pouvoir illégitime, contesté et contestable.
Pour résumer le discours de ce jeudi, disons qu’il a pris la forme d’une défiance au peuple qui s’apprête à boucler sa deuxième année de combat pacifique et ferme pour le changement radical du régime et l’instauration d’un vrai État de droit, social et démocratique, assurant l’égalité des chances à tous les Algériens et Algériennes et garantissant les libertés individuelles et collectives.
Le discours farfelu prononcé à la veille du deuxième anniversaire de la révolution du sourire n’augure rien de bon, sinon une exacerbation des sentiments de colère populaire envers ce régime sénile, sclérosé et reclus dans ses terpitudes et suffisamment trempé dans ses échecs . Le contenu de ce discours est une autre attestation d’irreformabilité de ce système.
Arezki Lounis