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Pourquoi la kabylie doit porter encore le hirak ?

 

« Celui qui fait une révolution à moitié creuse sa tombe ». Voici un adage qui résume parfaitement la conjoncture politique actuelle en l’Algérie et qui motive les différents acteurs du hirak, à commencer par la kabylie, à plus de détermination, de conviction et d’engagement dans ce processus révolutionnaire inédit.

Pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie indépendante, un soulèvement a réussi à devenir consensuel une semaine uniquement après son déclenchement, un certain 16 février 2019 à Kherrata.

Un cri de colère et un rejet total du système qui s’organisaient au fil des vendredis et des mardis avec la même ferveur nationaliste que celle de cet appel venu d’Ighil Imula le 1er novembre 1954 et qui a fait tache d’huile sur tout le territoire national dans la même nuit.

Ce rappel de l’histoire pour conforter et consolider une similitude entre le 1er novembre et le 16 février n’est pas venu du néant, il est inspiré de ce mot d’ordre « Istiqlal » que les Algériens assument dans la rue 59 ans après la libération du territoire.

Les points géographiques qui ont permis le départ de ces deux processus révolutionnaires nous amènent à relever le rôle avant-gardiste de cette locomotive appelée Kabylie mais aussi à débattre de sa disponibilité à continuer sur cette lancée pour construire une Algérie qui va lui permettre de soigner tant de blessures dont seul le régime négationniste est responsable.
Bien entendu, un travail de justice et vérité doit être fait dans le cadre d’une justice transitoire.

C’est au sein de cette Kabylie qui comptait le plus grand nombre de militants du PPA / MTLD, avant 1954, que s’est tenu le congrès de la Soummam qui a donné un sens politique à la guerre de libération nationale en projetant l’Algérie dans une perspective démocratique, sociale et plurielle ; perspective qui a été malheureusement remise en cause à l’aube de l’indépendance par une armée des frontières qui a pris le pouvoir en perpétrant un putsch contre le GPRA et l’ALN.
Et depuis, elle a installé un régime militaire et dictatorial dont la Kabylie était la première région à subir les affres.

Cette Kabylie qui s’est révoltée en 1963 contre cette junte militaire, cette kabylie qui s’est battue pour l’identité nationale amazighe, la démocratie et les droits de l’homme doit-elle fuir aujourd’hui sa responsabilité d’entité morale, après avoir convaincu toutes les autres régions du pays de l’opportunité de construire une Algérie libre, démocratique et plurielle ?

Cette Kabylie qui a fait propager sur tout le territoire national la nécessité d’abolir le jacobinisme hérité du colonialisme francais pour aller vers un système politique au diapason de la diversité algérienne, doit-elle laisser tomber cette mission en ce contexte d’union nationale qui avance vers une chute imminente de ce régime qui a excellé dans la négation de ses spécificités ?

Certes, toutes ces problématiques nécessitent un débat profond qui doit associer tous les acteurs politiques de la région, mais il me semble que la tendance se dégage à travers la large implication des citoyens de cette région dans le hirak qui revendique clairement une Algérie libre, démocratique et plurielle.

À mon humble avis, cette région a payé pour cet objectif démocratique un tribut beaucoup trop lourd pour l’abandonner aujourd’hui.
Le meilleur hommage à rendre aux martyrs de la guerre de libération nationale, à ceux de 1963, à ceux de 2001, aux detenus politiques de 1980 et de 1985 est de ne pas céder devant les machiavéliques démarches entretenues par la police politique qui ne désespère pas de déposséder le hirak du potentiel de la tradition de lutte de la Kabylie.

La population de la kabylie, à travers les slogans scandés en arabe populaire, dans les rues des centres urbains de cette région a majoritairement décidé d’assumer ce rôle de locomotive dont les Algériens des autres régions sont fiers.
Pour eux, la kabylie est un gage de garantie pour l’aboutissement de cette révolution du sourire et ils le disent sans ambiguïté dans le slogan « laqbayel bravo 3likoum, el djazayer taftakher bikoum ».

Je crois profondément que la blessure du déficit de solidarité de 2001 est complétement pansée par le sursaut populaire du 16 et du 22 février 2019.

L’esprit de la nation est définitivement réhabilité par la révolution du sourire.
Le sentiment de l’identité commune retrouvée ainsi que la mise en échec de la diabolisation de l’emblème amazigh par l’ex-chef de l’état-major a cimenté le consensus des Algériens qui aspirent dans leur majorité à une rupture radicale avec le système en place.

Plus intéressant encore, ce respect gagné par le drapeau amazigh est un fait qui se projette dans une perspective géostratégique qui intéresserait toute l’Afrique du Nord, d’où l’acharnement des maîtres orientaux de l’ex-chef des armées.

C’est cette perspective Nord-Africaine qui devrait faire réfléchir, dans la sérénité, tout acteur politique qui tente une démarche politique à l’échelle régionale.

Continuer à porter le hirak et le faire bénéficier de la tradition de lutte de cette région, nous fera gagner l’Algérie démocratique mais aussi, et c’est le plus important sur le long terme, cette implication est la condition sine qua non pour la construction du sous-continent Nord-africain démocratique et économiquement prospère.

Moussa Nait Amara

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