Le régime algérien qui explore toutes les possibilités d’intimidation et de répression existantes doit ne plus savoir à quel saint se vouer puisque les manifestations du peuple de février ne se tarissent point et refusent d’obtempérer à ses abusifs ukases qui veulent y mettre un terme sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit !
En fin de compte, qu’espère-t-il en retour de ce déferlement de violence qu’il déclenche sur des marcheurs pacifiques ?
Mettre les marches du peuple sous cloche afin qu’elles paraissent moins manifestes et fichent la paix aux élections décriées du 12 juin, seule alternative que l’entêtement du pouvoir ait à proposer pour parachever la feuille de route de feu Gaïd Salah ? C’est-à-dire casser le thermomètre pour ne plus voir la température monter. C’est la politique de l’autruche qui enfouit sa tête dans le sable pour ne plus voir le danger.
Mais est-ce pour autant une attitude responsable ? Et jusqu’à quand ?
Le huis clos qui frappe les marches exemplaires des Algériens est déjà d’actualité et ce, depuis le début puisque les médias publics et domestiques ont reçu des instructions pour ne plus en souffler mot sous peine de graves sanctions judiciaires et financières. Seuls quelques ilots, particulièrement dans le secteur des médias électroniques, font encore de la résistance et leurs journalistes sont pourchassés les vendredis comme des pestiférés et soumis à des tracas policiers et judiciaires à n’en plus finir quand ce n’est pas purement et simplement de l’emprisonnement arbitraire ! Il reste, heureusement, les smartphones des marcheurs qui, malgré l’étranglement d’internet par les autorités les jours des marches, font état de l’ampleur des manifestations et rapportent fidèlement leur déroulement.
Les chiens aboient, la caravane passe ?
Le mépris depuis toujours affiché par le régime à l’égard du peuple qu’il minorise et qu’il juge incapable de décider de son destin est une chose entendue parmi les pontes du régime qui se considèrent des êtres supérieurs que rien ne rattache à cette plèbe qu’ils ont la charge de diriger. Cette plèbe qu’ils voient comme un être collectif grouillant qui ne peut, ni ne sait, décider de ce qui est bien ou mal parce qu’insuffisamment mature, acéphale et, de plus, sans leaders capables de l’orienter. C’est d’ailleurs pour ça que le régime arrête et enferme dans ses geôles la moindre tête qui dépasse et même le moindre individu susceptible un jour de le devenir ! L’arbitraire et les outrages qu’il fait ainsi tomber sur des êtres innocents ne font pas partie de ses considérations morales.
Faire taire le peuple par la force ?
Difficile à concevoir, mais même si cela pouvait se faire, ça ne sera pas une victoire pour le pouvoir, loin de là ! C’est au contraire une défaite assumée et reconnue puisque n’ayant plus d’autres arguments à opposer, il recourt au seul argument qu’il sait manier, celui de la force qui est l’argument bien connu du faible politiquement et de l’oppresseur. Faire taire un peuple qui gronde est beaucoup plus dangereux que de le laisser s’exprimer. C’est laisser le fossé s’élargir entre peuple et dirigeants. C’est accepter de rester dans l’ignorance des contradictions qui traversent le pays et des idées et des sentiments de son peuple. En gros, c’est se détacher irrémédiablement d’un peuple qu’on prétend diriger et se couper de lui sans possibilité de recours. Le dialogue qui n’a jamais eu lieu, n’aura jamais lieu ! La fin du tunnel dans lequel est plongé le pays n’est pas pour sitôt !
Faire la guerre totale au peuple ?
C’est presque déjà le cas ! Par quelque côté qu’on prenne le problème, la résolution du régime de régler son absence de légitimité par la seule voie de la force et de la répression est omniprésente. Il fait flèche de tout bois et déclenche un feu nourri sur le Hirak et tout ce qui peut le représenter. C’est ainsi qu’à la répression policière, qui va crescendo de semaine en semaine, il accouple la sanction judiciaire qui voit la justice condamner à tour de bras des innocents sous des chefs d’accusation farfelus et inexistants mais dont la gravité est indécente. Il est vrai qu’il l’avait dotée au préalable d’un ersatz de fondement juridique suite à la publication de la note saugrenue – même pas signée ! – du ministère de l’intérieur qui exigeait du Hirak la déclaration de ses marches ! Tout cet arsenal sensé se montrer dissuasif a été précédé d’un autre arsenal de lois liberticides criminalisant notamment les fake-news afin d’empêcher toute expression libre sur les réseaux sociaux ou encore celle restreignant la liberté des associations ainsi que leur financement dans le but d’empêcher la société civile s’organiser librement. Une guerre tous azimuts qui se déroule à huis clos, les télés poubelles s’occupant de passer la pommade au système et les quelques journalistes libres empêchés de travailler. Mais une guerre qui sera remportée par le Hirak qui n’abdique pas et n’entend pas le laisser faire quel qu’en doit être le prix ! La victoire a toujours été du côté des justes.
Quel va être l’épilogue de ce champ de ruines ?
Que va encore tenter le pouvoir après la fin de non recevoir signifiée par le peuple à toutes ses manœuvres ?
Tout le monde voit qu’il caracole seul vers la fin de sa feuille unilatérale de route concoctée depuis le temps infâme de Gaïd Salah. Il aura une assemblée disparate puisée des rebuts de la société civile qui se distinguera par son amateurisme, son apolitisme et, partant, son inaptitude à légiférer ou à s’occuper des affaires de l’État ! Plus qu’une chambre d’enregistrement, il aura une caisse de résonance ! Mais c’est certainement ce qu’il souhaite le plus. Lorsqu’on met un pays en faillite, on ne veut s’encombrer d’aucun contre-pouvoir. Quant au rendez-vous d’ouverture démocratique et de développement encore manqué pour l’Algérie, ce ne sont pas les remords qui l’étoufferont !
Mohand-Ouïdir Boumertit