INGRACHEN DÉFIE : « la civilisation berbère n’existe tout simplement pas »

Lors de son passage dans un café littéraire à Bejaia, Amar Ingrachen a déclaré ne pas être « candidat au rôle de laudateur » de ce qu’on appellerait « la civilisation berbère ». Pour lui, celle-ci n’existe tout simplement pas.
Diplômé en lettres modernes, Amar Ingrachen est, rappelons-le, éditeur et journaliste indépendant. Egalement chercheur, il s’intéresse particulièrement aux questions liées aux changements sociaux et politiques, aux élites et à la mémoire. Il a notamment fait parler de lui tout récemment, en dénonçant les discours de Amin Zaoui sur le Takfirisme. « Le temps des grandes rumeurs », son premier roman, rencontre déjà un grand succès.
Le jeune écrivain revient ici sur le concept de civilisation et rappelle que celle-ci est « fondamentalement une capacité à digérer et générer des différences mais aussi à donner une expression originale et suffisamment puissante pour traverser les siècles à tous les aspects de la vie humaine ». Faisant le rapport avec le fait berbère, ce dernier explique qu’il est passé à la postérité par ce qu’il appelle « l’héritage-oralité ». Il poursuit en démontrant que les rares créations philosophiques et littéraires transmises par le biais de l’écriture et de la création artistique sont davantage des sous-produits des civilisations romaine, phénicienne et grecque que des expressions authentiques d’une vision du monde singulière.
« Apulée, Saint-Augustin, Juba II, Tertullien… etc. Sont certes nés en Afrique du Nord mais ni leur pensée, ni leurs enjeux n’ont comme centre d’intérêt un quelconque monde ou fait berbère ».
L’intellectuel estime qu’au jour d’aujourd’hui, la berbérité existe comme elle a toujours existé, à savoir, dans la spontanéité, et qu’elle est « très peu pensée », il estime également qu’elle s’hérite comme un bloc monolithique auquel chaque génération grignote quelques bouts.
« Traditionnelle à merci, elle est incapable de se renouveler, de générer des ruptures « .
Il va jusqu’à affirmer qu’il est moins prétentieux, moins illusoire et plus juste, de parler de « tradition berbère » que de « culture berbère » ou de « civilisation berbère ». Pour lui, la différence entre la tradition et la culture, est que la première a pour finalité sa propre reproduction et la seconde la création, « la dé-communautarisation, l’universalisation qui ne peuvent être l’œuvre que des ruptures », ajoute-il.
Monsieur Ingrachen paraphrase Mouloud Mammeri, et conclut en assurant que la tradition persiste et que la culture résiste et existe pour elle-même. Il faut donc, selon lui, absolument sortir la berbérité du carcan de la tradition pour la mettre sur  » l’universel chemin de l’aptitude aux ruptures, de la culture ».
M. Arezki
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